Le “greenwashing” consiste pour une entreprise à se donner des airs de préoccupations environnementales, pour dissimuler un impact social et écologique dévastateur. Un peu comme l’émission de Hulot, Ushuaïa, qui était financée par le plus gros pollueur de l’époque en France, Rhône-Poulenc.
Concernant la LGV (ligne à grande vitesse) Tours-Bordeaux, véritable plaie béante traversant notamment la Vienne avec ses remblais géants, des espaces boisés ont été défrichés et leurs sols dévastés. A la place, des paysages lunaires, des pierres transportées depuis des carrières qui essaiment le long du tracé. Le néant, le désert et le béton.
Aujourd’hui, nouvelle opération de communication de Cosea dans les médias locaux, toujours prompts à relayer la propagande de Vinci (multinationale aussi impliquée dans d’autres destructions sociales et écologiques comme à Notre-Dame-des-Landes). Il s’agit de replanter des arbres “de qualité” sur une surface double de celle défrichée par le tracé de la LGV. Cette merveilleuse illustration du capitalisme vert s’appelle le “boisement compensateur” [sic]. Il y aura même des arbres fruitiers pour les petits oiseaux qui viendront se fracasser sur les TGV ! Ce petit paradis (qu’il faudra néanmoins attendre un siècle pour voir) sera bien protégé par des clôtures installées par Cosea.
Sauf que ces 314 hectares de reboisement dans la Vienne, en plus de ceux couverts par le tracé LGV, remplacent des espaces agricoles dont les exploitants sont virés avec le concours gracieux de l’Etat PS (qui oblige au “boisement compensateur”), et les liasses de biftons de Vinci. Vinci est au demeurant largement subventionnée, dans ce chantier LGV, par ledit Etat… dans le cadre d’un “partenariat public-privé” ruineux pour les populations, subissant un surcroît de “dette publique” bidouillée par des bureaucrates. Niveau social, on repassera !
A ce propos, le gros propriétaire foncier interviewé par la Nouvelle République évoque les arbres replantés par le grand Colbert. Comparaison révélatrice ? Il oublie de préciser que si Colbert a replanté des arbres, c’était déjà pour “compenser” une dévastation sociale et écologique : la France a été déboisée par le même Colbert, en quasi-totalité, sous Louis XIV… Et ce, pour construire une marine de guerre et des navires marchands (négriers notamment). Déjà à l’époque, la dévastation écologique était la signature d’une politique étatique de dévastation sociale programmée.
Quant au niveau “écologique”, qui oserait prétendre que les sols des terres labourées, saturés d’intrants polluants, à la microbiologie dévastée et sur lesquels ces “arbres de qualité” sont téléportés, pourront remplacer l’humus forestier, infiniment riche, complexe et fragile, et dont le vaste recul en France est pour le moins préoccupant ? On est là dans le mépris total des conditions environnementales propices au développement d’une véritable forêt. Rappelons que l’écrasante majorité des sols en France sont de fait devenus de véritables déserts stériles : sans l’emploi massif d’intrants chimiques, sans l’utilisation massive du pétrole, les terres agricoles ne produiraient quasiment plus, faute de vie biologique réelle. L’humus forestier, seul système biologique au monde apte à produire la vie de façon “durable” et cyclique, met plusieurs décennies à se reconstituer… quand il se reconstitue.
Même l’argument économique de l’industrie bois ne tient pas : les chênes et les cèdres plantés aujourd’hui dans la Vienne ne pourront être exploités que d’ici… 80 à 120 ans. L’aspect coup de comm’ apparaît en plein jour, si l’on note que les propriétaires fonciers qui concèdent leurs parcelles ne s’engagent à ne les maintenir boisées que pendant… vingt ans !
Bref, la désinformation de Vinci, de l’Etat, des bureaucrates politicards locaux et des médias frise une fois de plus le grotesque. Après les enfants handicapés heureux de conduire des engins de Vinci, après l’invocation à la journée de la femme pour évoquer l’effort dérisoire de “parité” sur les chantiers, après le recours piteux à l’argument grossier de la création d’emplois précaires et temporaires, voici les arbres et les petits oiseaux. Il faut dire qu’ils auront peut-être la “chance de voir passer les premiers TGV” [sic] : chez les journalistes aussi, on peut se montrer poète…
L’enjeu des pouvoirs politico-économiques est désormais d’étendre la dévastation LGV à un barreau Poitiers-Limoges.
Nous ne laisserons pas transformer la planète que nous habitons en poubelle de béton.
Source : FA 86
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