Pressée par la préfecture et pour ne pas perdre plus de crédits, la Croix-Rouge a engagé une procédure d’expulsion contre une famille arménienne.
Le courrier préfectoral adressé au directeur de la Croix-Rouge est sans appel.
« Je vous demande de bien vouloir sortir sans délai les personnes ci-dessus et je vous informe que je procéderai à une déduction des crédits qui vont sont alloués correspondants à toute période pendant laquelle ces personnes ont été hébergées de manière indue », écrivait en avril 2011 le secrétaire général de la préfecture de la Vienne.
Les courriers s’achèvent par une série de règles de trois destinées à calculer le coût induit par les personnes restées trop longtemps.
Menace financière
En mai 2011, la préfecture compte une somme de 6.300 € pour sept familles. Des crédits aussitôt déduits de la subvention de 178.920 € allouée par les autorités au titre de l’hébergement d’urgence pour le premier trimestre 2011.
En fait, dès que les familles étrangères hébergées en urgence par la Croix-Rouge voient s’épuiser toutes leurs voies de recours en demande d’asile le couperet tombe. La préfecture réclame l’expulsion du logement d’urgence. Et multiplie les courriers à l’organisme caritatif pour l’inviter à mettre à exécution l’injonction, en jouant de la menace de réduction des crédits.
C’est dans ce contexte qu’un procès inédit se déroulait, hier matin, à la barre du tribunal d’instance de Poitiers. Pressée par la préfecture, la Croix-Rouge réclame en justice l’expulsion d’une famille arménienne avec deux enfants du logement d’urgence qu’elle occupe route de Gençay.
« Je vous demande d’engager une procédure de référé », écrit la préfecture en janvier 2012 « afin que le tribunal puisse ordonner la sortie de ces personnes du logement […] Dans le cas contraire je me verrai dans l’obligation de procéder à une déduction des crédits qui vous ont été alloués. »
En octobre dernier, les Arméniens sont assignés en justice. Après plusieurs renvois, l’avocate de l’institution a maintenu, hier, la demande d’expulsion de la famille qui avait signé en juillet 2010 un contrat d’hébergement temporaire.
Les multiples refus de demande d’asile tombent en 2011 et 2012. Les recours sont épuisés. La famille est considérée comme occupant indûment le logement depuis mars 2011. Ce qui en pénaliserait d’autres dans le besoin, justifie la Croix-Rouge.
Un argumentaire rejeté par Me Masson, défenseur de la famille expulsable.
« Où est la logique d’expulser des personnes dans le besoin pour en accueillir d’autres. On leur dit : « Vous sortez, vous vous débrouillez ! » Le contrat signé avec elles ne parle pas expressément du problème de la situation de demandeur d’asile. Juste de la régularisation des titres de séjour.
Ce n’est pas anodin qu’une institution qui s’occupe de la souffrance humaine demande une expulsion ! »
La justice a mis sa décision en délibéré au 26 avril prochain.
Source : Presse pression (Nouvelle Rép)