Mardi dans la nuit, le préfet, trois sous-préfectures et le journal « Sud Ouest » ont reçu une lettre et des boulons émanant des opposants au futur aéroport.
L’affaire est prise très au sérieux par le préfet de la Gironde, Michel Delpuech. Il a été le destinataire dans la nuit de lundi à mardi d’un colis contenant de vieux boulons oxydés d’un pylône électrique, accompagnés d’une lettre de soutien « aux inculpé(e) s de Notre-Dame-des-Landes ». Outre le représentant de l’État, les sous-préfectures d’Arcachon, de Langon et de Libourne, ainsi que le siège de « Sud Ouest », ont été destinataires d’envois similaires.
Le projet de Notre-Dame-des-Landes, qui prévoit le transfert de l’actuel aéroport de Nantes sur ce nouveau site à l’horizon 2017, suscite une vive opposition de la part de certains partis politiques comme Europe Écologie-Les Verts, le Parti de gauche ou le Modem. Il est soutenu, en revanche, par l’État, les collectivités locales, le PS et l’UMP.
Régulièrement, les opposants n’hésitent pas à mener des actions spectaculaires tandis que, sur place, le terrain est toujours occupé par plusieurs dizaines de contestataires. Un collectif de lutte a par ailleurs créé un blog, et une association citoyenne intercommunale des populations concernées a vu le jour et mène un combat sans relâche contre le projet.
Dans la nuit de lundi à mardi, entre minuit et 2 heures du matin, un ou plusieurs individus ont donc rendu visite au préfet de la Gironde en déposant au pied de l’immeuble du quartier Mériadeck, en plein cœur de Bordeaux, le fameux colis avec la missive de soutien et de « solidarité ».
Le texte précise : « Nddl, THT, LGV, les ZAD (1) sont partout. » Et : « La situation risque d’être grave, car si l’on peut protéger les centrales nucléaires par des barbelés et éventuellement des pelotons de CRS, ce n’est pas le cas des pylônes. » Ce ou ces mêmes personnes se sont également rendues dans trois sous-préfectures et quai des Queyries à Bordeaux, devant notre journal, où une enveloppe a été jetée sur le seuil de la porte à 0 h 35.
« Cela fait penser à Tarnac »
Le procureur de la République a été alerté sur ces faits en début de matinée et, en raison de la nature des menaces, a aussitôt saisi la Direction interrégionale de la police judiciaire. Des techniciens du Service régional de l’identité judiciaire ont examiné les boulons et les courriers, à la recherche de traces et d’indices. Mais ces pièces à conviction étaient déjà passées entre plusieurs mains, et il sera sans doute difficile aux policiers d’exploiter un élément. Des bandes vidéo ont aussi été saisies.
Cette action concertée des opposants à Notre-Dame-des-Landes n’est pas sans rappeler celle menée, un dimanche après-midi du mois de décembre dernier, par un petit groupe qui avait fait le siège du péage autoroutier de Saint-Selve, sur l’A 62, aux portes de Bordeaux. Quelques individus avaient distribué des tracts et ouvert les barrières aux usagers avant que la gendarmerie n’intervienne. Mais à l’arrivée des forces de l’ordre, les manifestants s’étaient évaporés dans la nature.
« Cela fait penser au village de Tarnac, en Corrèze, où de jeunes militants de l’ultra-gauche étaient soupçonnés, en 2008, d’être à l’origine de sabotages sur les lignes SNCF », commente un fonctionnaire du renseignement intérieur.
Hier, tandis que les investigations débutaient à Bordeaux, une trentaine d’opposants au projet manifestaient, dénudés, devant le palais de justice de Saint-Nazaire pour soutenir deux des leurs, poursuivis pour s’être promenés nus près des gendarmes lors d’une intervention sur le site en novembre 2012.
(1) NDDL : Notre-Dame-des-Landes ; THT : très haute tension ; LGV : ligne à grande vitesse ; ZAD : zone d’aménagement différé.
Source : Presse Judiciaire (Sud Ouest)